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"La confiance, l’adaptabilité et l’acceptation de l’erreur sont des piliers essentiels pour avancer.

  • Photo du rédacteur: chayogalpi
    chayogalpi
  • il y a 7 jours
  • 9 min de lecture

 

Commandant François PIOTROWSKI, GMHM- Groupe Militaire de Haute Montagne*



Des OPEX ? Guyane, Martinique, Tadjikistan, Afghanistan, Mali

Hobbies VS passion ? Surf au Portugal, VTT, alpinisme, ski, parapente

Le pire souvenir ? La Kohlmann durant le BQTM, en drapeau derrière un instructeur agacé d’avoir buté à cause du monde au départ de la Contamine #Vis ma vie de stagiaire !

3 traits de caractère ? Patience, passion et bonne humeur

Une chose insolite qui le caractérise ? La pêche à la mouche !

 




Dans des environnements extrêmes où l’incertitude est omniprésente, comment prenez-vous des décisions critiques?

Quels enseignements tirez-vous de ces situations pour aider des leaders en entreprise à naviguer dans des contextes incertains ou chaotiques?


Dans des environnements extrêmes, comme les hautes montagnes ou les milieux polaires, l’incertitude est omniprésente. La prise de décision critique dans ces contextes repose sur une préparation minutieuse et une communication constante.


Chez nous, tout commence en amont : les projets sont portés par une dynamique collective. Contrairement à une approche militaire classique verticale, les idées émergent des grimpeurs, qui, jeunes et motivés, proposent des initiatives audacieuses. Une fois le projet adopté, le chef de groupe s’assure d’harmoniser les niveaux d’engagement et de motivation de chacun. Cette phase de préparation est cruciale. Elle inclut l’évaluation des motivations personnelles, la définition claire des objectifs et l’intégration d’outils tels que la préparation mentale ou l’accompagnement externe. Lorsque ces bases ne sont pas posées, les tensions surgissent souvent au moment des difficultés, risquant de compromettre la mission.


Sur le terrain, les décisions doivent être adaptées à l’inconnu. Dans ces environnements inédits, des problèmes surgissent inévitablement. Mais ils sont aussi une opportunité d’innovation : développer du matériel spécifique, collaborer avec des industriels ou mettre au point des procédures utiles à l’armée, aux alpinistes et même au grand public. Par exemple, lors d’une traversée en Patagonie, nous avons conçu un sac à dos ultra-léger et un packraft adapté à nos besoins spécifiques. Ce type d’innovation bénéficie ensuite à tous, militaires comme civils.


Quand les conditions deviennent critiques, la clé reste la communication. Même dans la difficulté, il est essentiel de poser les choses calmement pour dégager une solution. Si un consensus n’émerge pas, le chef tranche, en assumant la responsabilité de la décision.


Enfin, il faut reconnaître que dans ces milieux, il n’existe pas toujours de “bonne” décision, mais plutôt la “moins mauvaise” à un instant donné. C’est une leçon applicable à l’entreprise : dans des contextes incertains, le leader doit s’appuyer sur les experts de terrain et accepter que leurs choix, bien que parfois imparfaits, soient souvent les meilleurs possibles. La confiance, l’adaptabilité et l’acceptation de l’erreur sont alors des piliers essentiels pour avancer.

 


Le GMHM repose sur une forte solidarité entre ses membres. Comment construisez-vous et maintenez-vous cette cohésion, et comment cela peut-il inspirer les entreprises à renforcer l'esprit d'équipe en période de crise ou de forte pression?


La solidarité et la cohésion sont des valeurs centrales dans toute unité militaire, et le GMHM ne fait pas exception. Cependant, leur construction et leur maintien nécessitent des efforts constants, adaptés aux spécificités du groupe et de ses missions.


Dans l'armée en général, la force d’une unité repose sur l’entraide entre ses membres, car chacun sait que dans les moments difficiles, il pourra compter uniquement sur ses camarades. Au GMHM, cette dynamique prend une forme particulière. Nous sommes une petite équipe d’experts, où chaque membre est doté d’un haut niveau de compétence technique et de fortes exigences, tant envers lui-même qu’envers les autres. Cette cohésion ne signifie pas l’absence de tensions. Au contraire, c’est souvent dans les désaccords et les défis que l’on trouve l’énergie pour progresser et atteindre un niveau d’excellence.


La cohésion ne se construit pas spontanément, surtout dans un groupe aussi exigeant. Le rôle du leader est donc de créer des contextes propices à son développement. Cela ne se fait pas nécessairement dans l’action intense ou les moments critiques, mais souvent lors de phases dites "creuses" ou en dehors des périodes de mission. Par exemple, après deux expéditions distinctes, je réunirai l’équipe cet automne aux États-Unis, loin de tout contexte habituel, pour pratiquer ensemble une activité commune comme l’escalade. Ces moments partagés permettent de tisser des liens, de mieux se comprendre et d’apprendre à travailler ensemble dans un environnement neutre.


Pour renforcer la cohésion, il est aussi crucial de sortir des cadres habituels. Nous avons organisé des sessions de paintball avant une réunion, ou encore une journée de wake surf. Ces activités, déconnectées de nos missions, permettent de relâcher la pression, de créer des souvenirs communs et d’aborder ensuite des sujets sensibles avec plus de sérénité.

Il est essentiel de reconnaître que la cohésion est cyclique. Parfois, tout s’aligne parfaitement : les personnalités, les objectifs, les moments de vie. À d’autres moments, les tensions dominent, et il faut savoir limiter les impacts négatifs. Cela demande de la patience et une certaine humilité. Tout ne peut pas être résolu immédiatement, et certaines périodes demandent simplement d’accompagner le groupe en attendant un alignement plus favorable.


En revanche, il appartient au leader de prendre des décisions difficiles quand cela s’impose. Si une dynamique négative persistante ne peut être corrigée, il faut parfois envisager des changements, comme la séparation d’un membre. Ces décisions ne sont jamais plaisantes, mais elles sont parfois nécessaires pour préserver le groupe.


Les enseignements du GMHM sont riches pour les entreprises. En période de crise ou de forte pression, il est vital de créer des espaces et des moments qui permettent aux équipes de se retrouver et de se ressourcer ensemble. Les activités partagées, même sans lien direct avec le travail, contribuent à bâtir un esprit d’équipe solide. Enfin, accepter les cycles naturels d’un groupe et intervenir avec discernement et courage quand nécessaire est un principe clé pour tout manager souhaitant maintenir une dynamique collective efficace.

 


Quels principes de leadership utilisez-vous pour guider votre équipe face à des défis physiques et mentaux extrêmes?

Pensez-vous que ces principes peuvent s'appliquer directement aux dirigeants d’entreprise?


Le leadership, tel qu’il se pratique au GMHM, ne repose pas sur une hiérarchie rigide ou sur une autorité purement technique. Il s'agit davantage d'un accompagnement, où le chef est perçu comme une ressource, un point de référence pour les membres de l’équipe. Son rôle est d’être disponible pour offrir un avis, confirmer des orientations, ou rappeler le sens de la mission commune. Cela passe par l’écoute, le soutien et la mise en valeur des compétences uniques de chacun.

Un exemple marquant a été lors de l’ascension du Dru, où, bien que je sois resté à distance, prêt à intervenir en cas de problème, j’ai soutenu l’équipe en gérant la logistique et les éventuels besoins de secours. Ce type de présence, bien que discrète, est essentielle pour créer un climat de confiance.


Le leadership dans ces conditions implique aussi de rappeler le but collectif. Lorsque l’on exerce un métier où la passion occupe une place prépondérante, il peut être facile de perdre de vue la valeur de sa contribution. Il est donc crucial de montrer à chacun que son travail alimente un objectif plus grand : enrichir les capacités opérationnelles, développer des savoir-faire ou même contribuer à l’innovation pour l’ensemble des troupes.


Ce modèle de leadership est transposable à l’entreprise, notamment dans les contextes de crise ou de forte pression. Il repose sur la reconnaissance des talents individuels, la valorisation de leurs apports spécifiques, et la fédération autour d’un sens commun. Enfin, il s’agit aussi d’accepter et d’encourager des initiatives inhabituelles, qui peuvent sembler décalées mais qui servent un objectif stratégique à long terme. Par exemple, permettre à un membre de s’entraîner en soufflerie ou en snowkite, car cela contribue directement à sa sécurité et à la réussite de ses projets.


En somme, être un leader dans l’adversité, c’est exploiter au mieux les compétences des autres, tout en leur donnant les outils et la liberté pour réussir, tout en restant prêt à prendre des décisions difficiles si nécessaire.

 


Dans des situations où l’échec semble proche, comment soutenez-vous votre équipe pour rebondir?

Quels parallèles pouvez-vous établir entre la résilience dans votre métier et celle requise pour surmonter des défis stratégiques en entreprise?


L’échec est une éventualité à accepter lorsque l’on s’engage dans des projets novateurs, avec des objectifs ambitieux et souvent inédits. Ce n’est pas un résultat que l’on vise, mais une composante naturelle de l’exploration et de l’innovation. L’essentiel est de tirer des enseignements de chaque échec pour progresser, individuellement et collectivement.


Un exemple marquant a été cet été où trois projets ambitieux du GMHM ont connu des issues inattendues :

  • Une tentative au Népal sur une face nord exigeante s’est arrêtée à cause de problèmes de santé dans l’équipe.

  • Une expédition en Inde a dû se transformer en opération de secours après que des grimpeuses aient été coincées en montagne.

  • Un projet de parapente en haute altitude a été contraint à l’abandon en raison de conditions météorologiques et de choix tactiques prudents.


Bien que ces projets n’aient pas atteint leurs objectifs initiaux, ils ont permis de récolter des enseignements précieux. Que ce soit sur la gestion des ressources, la sécurité ou le choix du matériel, chaque expérience alimente un processus d’amélioration continue.


La résilience dans ces situations repose sur plusieurs principes :

  • Accepter l’échec comme partie intégrante de l’aventure. Ce n’est pas un signe d’incompétence mais une opportunité d’apprentissage, à condition qu’il n’entraîne pas de conséquences graves.

  • Analyser et partager les enseignements. Après chaque projet, une réflexion approfondie permet d’identifier ce qui a fonctionné ou non et d’ajuster les stratégies pour l’avenir.

  • Rappeler le sens et la valeur collective. Même dans l’échec apparent, les contributions individuelles servent un objectif commun, qu’il s’agisse de renforcer la cohésion du groupe ou de faire rayonner le savoir-faire.


En entreprise, ces mêmes principes peuvent s’appliquer. Les dirigeants confrontés à des défis stratégiques doivent encourager leurs équipes à expérimenter et à innover, tout en acceptant que tout ne fonctionne pas comme prévu. L’important est d’adopter une vision à long terme : voir les erreurs comme des opportunités de croissance et continuer à avancer en s’appuyant sur les acquis.


Enfin, la résilience, tant individuelle que collective, s’appuie sur la capacité à prendre des décisions difficiles – comme renoncer ou s’adapter en temps réel – tout en valorisant ce qui a été accompli. Chaque projet, réussi ou non, fait partie d’une aventure humaine qui forge l’expérience et inspire à aller plus loin.

 


Au GMHM, les plans changent souvent en fonction des imprévus liés à la nature. Comment développez-vous la capacité de votre équipe à s’adapter rapidement tout en restant alignée sur un objectif commun, et comment ce processus peut-il s’appliquer au monde professionnel?


Au GMHM, nous sommes constamment confrontés à des imprévus liés à la nature, ce qui exige une capacité d’adaptation rapide tout en maintenant un alignement sur des objectifs communs. Cette adaptabilité repose sur des piliers fondamentaux : la préparation minutieuse, le débriefing rigoureux, la gestion des émotions et des biais cognitifs, ainsi que l’équilibre entre trajectoires individuelles et objectifs collectifs.


  1. Le débriefing comme outil central : Un débriefing systématique est impératif, au même titre que la préparation. Il permet de verbaliser les tensions, de pointer les comportements problématiques et de progresser collectivement. Par exemple, lors de mes débuts, on m’a fait remarquer que mon habitude de râler impactait le moral de l’équipe. Grâce à ce retour, j’ai pu ajuster mon comportement, renforçant ainsi la dynamique de groupe. Ce processus, bien que parfois inconfortable, évite que des non-dits ne ressurgissent en situation critique, où les conséquences pourraient être graves.

  2. La gestion des émotions et des biais : Les émotions, comme la peur, sont omniprésentes et nécessaires. Elles sont à la fois un moteur et un signal d’alerte. Il s’agit de les écouter sans se laisser dominer. Par exemple, dans des conditions dangereuses, la peur peut rappeler à l’ordre et inciter à réévaluer la situation. De même, il est crucial de surveiller les biais cognitifs, comme le sentiment de rareté (« Je n’aurai pas d’autre chance ») ou le regard des autres, qui peuvent influencer négativement les décisions. Le rôle du chef est d’identifier ces biais et d’aider à rationaliser les choix.

  3. L’équilibre subtil entre individuel et collectif : Chaque membre a ses ambitions personnelles, qui doivent être harmonisées avec les besoins du groupe. Par exemple, si un grimpeur souhaite réaliser un projet spécifique, nous adaptons parfois notre plan pour intégrer ses aspirations tout en atteignant nos objectifs collectifs. Cet équilibre nécessite de la souplesse et une compréhension profonde des dynamiques humaines.

  4. L’accompagnement et les ressources extérieures : Nous faisons régulièrement appel à des experts extérieurs, comme des préparateurs mentaux, pour apporter un regard neuf et des outils adaptés. Cette externalité est précieuse pour confronter les idées, gérer les tensions et favoriser la progression.

  5. Une approche basée sur la bienveillance et l’exigence : Nous demandons beaucoup à nos membres, mais nous sommes aussi attentifs à leurs phases de vulnérabilité. Il est normal qu’un grimpeur traverse des périodes plus difficiles. Dans ces cas, nous ajustons leurs missions ou leur entraînement pour préserver leur équilibre et maintenir leur motivation. Cependant, si ces difficultés deviennent structurelles, il est nécessaire de repenser leur place dans le groupe.


Ces enseignements s’appliquent directement au management en entreprise. Encourager les debriefings honnêtes, gérer les émotions et les biais, tout en équilibrant ambitions personnelles et objectifs collectifs, est essentiel pour maintenir une équipe agile et résiliente. Ce modèle montre qu’une organisation performante repose autant sur des processus rigoureux que sur une compréhension profonde de l’humain.


 

 
 
 

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