Sandrine Bovis, Regional Head of Digital Ecommerce Europe - L’Occitane en Provence
Forte de 20 ans d'expérience en digital, dont 14 ans au sein d’agences internationales renommées telles que TBWA, BETC et Isobar entre Paris, Londres et Genève, avant de rejoindre L’Occitane en 2018.
Passionnée par la tech et les médias, elle conçoit des stratégies data driven pour optimiser le média et l’expérience client, développer les marques en ligne et augmenter les performances commerciales.
Amatrice de photographie et d'art contemporain, Sandrine s’épanouit dans un environnement créatif et valorise l'apprentissage multidisciplinaire en continu pour toujours innover dans son domaine d’expertise.

Quels sont vos enjeux actuels et comment les adressez-vous ?
Sans hésiter un enjeu autour de la donnée analytique, sa qualité et fiabilité - rendue plus complexe dans un monde « cookieless », et son analyse essentielle pour piloter notre digital marketing et E-commerce efficacement. Il est facile de communiquer des chiffres et les faire parler, mais beaucoup moins de les utiliser et activer avec pertinence !
Je ne suis pas data analyst, en revanche j’aime approfondir un résultat avec l’équipe et m’appuyer sur ces données pour identifier des opportunités. Nous effectuons beaucoup d’A/B tests pour optimiser notre expérience client de manière agile avant de développer une solution pérenne. Il nous faut donc nous assurer régulièrement du bon tracking et traitement de ces données, et concevoir les bons dashboards pour une juste lecture du contexte business des différents écosystèmes et campagnes.
Il m’est déjà arrivé de constater des données différentes d’une source à l’autre sur un même périmètre, il faut donc redoubler d’attention, analyser les différences de traitement pour éviter les erreurs d’interprétation. Il est important de maintenir des échanges entre les différents départements, IT, Data, Digital, j’aime ces discussions intenses entre métiers pour apprendre à mieux nous comprendre et in fine bien travailler ensemble. Et quoi qu’on en dise, l’IA ne peut pas nous aider partout !
Le second enjeu concerne un autre domaine passionnant, les réseaux sociaux, Instagram, TikTok... En effet, nous n’utilisons plus les médias comme auparavant mais nous les « consommons », toujours plus, plus vite, avec moins d’attention.
En tant que marque, notre challenge est donc de capter cette attention, nous différencier, séduire, informer sur notre univers et nos produits dans un secteur très concurrentiel de la beauté, où nous devons ainsi produire toujours plus de contenus.
C’est un défi créatif et technique, mais encore un défi humain, pour collaborer avec les bons influenceurs/créateurs de contenus qui aiment L’Occitane et incarnent nos valeurs d’authenticité, d’engagement et transparence. Nous sommes vigilants et avons une responsabilité sociétale en tant que marque, et cela m’importe aussi en tant que consommatrice et citoyenne.
Les utilisateur.trice.s ne sont pas dupes, mais les réseaux pullulent de contenus « fake », avec de l’IA qui peut être très vertueuse ou parfois semer la confusion, surtout dans une contexte économique et politique en tension. Comment déchiffrer le vrai du faux ?
Renforcer l’éducation aux médias est donc nécessaire. J’interviens dans des collèges en France pour faire de la cyber prévention dans le cadre de la Réserve citoyenne de l’Education Nationale, afin de sensibiliser les adolescents aux systèmes publicitaires et à la désinformation via les deep fakes, les biais algorithmiques, mais aussi à la protection de leurs données personnelles. Je trouve essentiel de rester attentifs et développer notre esprit critique face à ces situations du quotidien.
Comment imaginez-vous leurs concrétisations dans 5 ans ?
Cibler nos audiences tout en respectant la vie privée et délivrer du contenu de qualité est fondamental. J’imagine que les autorités vont continuer à réglementer en Suisse et en Europe pour cadrer davantage et je l’espère ne pas brider l’entreprenariat.
Il faudra en tant que marque continuer de nous adapter et réinventer des méthodologies, segmenter, générer des modèles anonymisés toujours plus intelligents et plus fiables. J’espère à l’avenir qu’il aura une modération plus pertinente – en évitant la censure stricte – sur les plateformes Meta, TikTok… et qu'elles soient plus responsables.
Quelle a été la création de valeur de la transformation digitale dans votre entreprise ?
La transformation digitale doit d’abord partir de l’humain, pour innover, créer de nouveaux business models et process mais surtout les mettre en place. On peut avoir les meilleures idées du monde, si on ne sait pas communiquer et s’écouter, il sera impossible de transformer.
L'Occitane a été pionnière en intégrant la méthode Agile au sein de ses équipes dès 2018 en pleine migration de solution e-Commerce. Dès mon arrivée, j’ai ainsi eu la chance de pouvoir me réinventer sur mes méthodes de travail, management et leadership. La plus grande création de valeur a donc été de mieux travailler en équipe et prioriser justement par la valeur, non par les délais.
Quels sont les difficultés et questionnements que vous rencontrez dans la mise en place d’initiatives environnementales et sociales ?
Généralement le plus difficile est de prioriser ces sujets vs des objectifs à court terme. Cependant je suis très fière que L’Occitane soit certifiée B Corp, les enjeux sociétaux et environnementaux font réellement partie de nos objectifs et cela change tout ! Nous pouvons ainsi faire avancer les projets qui ont de l’impact.
Mais je travaille dans le digital et suis bien consciente que notre job, l’IA et nos outils consomment des ressources gigantesques… cela pose de vraies questions éthiques et complètement paradoxales.
Comment gérez-vous la tension et la pénurie de talents ?
Actuellement je me situe plutôt dans une tension de ressources mais moins de talents (rires)! Plus sérieusement, j’ai la chance d’être entourée de personnes talentueuses, cependant je remarque en recrutement plus de difficultés à rencontrer des profils engagés et passionnés.
Comment éduquer, pour que les gens maitrisent les nouveaux outils, les nouvelles tâches et puissent bénéficier pleinement des innovations tech ?
Selon moi la clé réside avant tout dans la pratique.
Il est important de rassurer et démystifier les outils pour comprendre la valeur et le fonctionnement de l’IA. On comprend alors le gain de temps sur des tâches moins intéressantes et de l’enrichissement de nos connaissances. Mais j’adore aussi challenger Chat GPT et déconstruire ses réponses lorsqu’il se trompe !
L’IA doit être perçue comme un allié et une évolution technologique. Nous aurons toujours besoin d'humains pour programmer et interpréter, mais nous serons « augmentés », j’aime beaucoup lire Aurélie Jean sur ces sujets.
Quels sont les risques associés à l'IA, notamment en matière de sécurité et de confidentialité des données ?
Les principaux risques résident encore dans la diffusion, le stockage et son utilisation par ces start-up. Il existe un besoin pressant de cadrage légal mondial et de transparence sur l’usage qui est fait de ces données et pour quel objectif.
Le livre, le film et le lieu qui continuent de vous inspirer ?
Je lis beaucoup ! Mais professionnellement je fais souvent référence aux Quatre accords toltèques dont les principes m’accompagnent au quotidien : garder une parole impeccable, ne pas en faire une affaire personnelle, ne pas faire de suppositions et faire toujours de son mieux. Ce livre est un rappel à des valeurs essentielles pour rester en phase avec soi-même peu importe le contexte et la pression.
J’aime les films qui racontent simplement « la vie », mais aussi les films d'anticipation voire dystopiques. J’ai été très marquée par les films de Danny Boyle notamment « Vingt-huit jours plus tard », « Slumdog Millionnaire » ou « 127 heures », il excelle dans l’étude des comportements humains et leurs réactions dans des situations extraordinaires, de survie ou d’épidémie.
Enfin, étant née à Nice j’ai toujours été attachée à ce duo mer-montagne et il m’est impossible de choisir entre les deux ! La montagne est le lieu pour me ressourcer et clarifier mes idées, je me rends régulièrement dans une petite vallée du Piémont en Italie où j’y ai des liens très forts. Mais j’aime aussi profondément l'horizon de la mer et du lac Léman qui m’inspire tellement ! Vivant depuis 10 ans à Genève, je ne cesse de m’émerveiller.
Votre devise ?
« La vocation, c'est avoir pour métier sa passion » de Stendhal. Cette vision du travail me vient de ma mère qui avait un métier passion et m’a toujours conseillé de choisir celui qui m’épanouirait.
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