Josep Castellet, CEO de POMOCA - Oberalp Group
Josep Castellet est un entrepreneur né à Barcelone, connu pour son style de management centré sur l'humain.
Après avoir étudié l'économie internationale, il a fondé la plus grande agence de voyage à vélo en Espagne, Naturbike. Après un passage en Slovaquie, il a ensuite rejoint en 2009 POMOCA, entreprise suisse leader dans la fabrication de peaux pour le ski de randonnée, où il a orchestré sa fusion avec le groupe Oberalp et dirigé sa croissance remarquable de 10x en 12 ans en tant que directeur général.
Leader multilingue avec une expérience diversifiée en finance, marques et innovation, Josep met l'accent sur le travail d'équipe et la sécurité psychologique.
Passionné de ski alpinisme, il a également contribué à la gouvernance du sport et enseigne à l'AISTS Master of Sports et à l'Université de Genève.

Quels sont vos enjeux actuels et comment les adressez-vous ?
La crise post Covid a généré de gros stock sur l’ensemble de la chaîne d'approvisionnement, ce qui a considérablement ralenti la production. Nous avons donc deux types de stratégies : l’optimisation et la rationalisation, puis une politique de vente très agressive pour contrer la concurrence et gagner des parts de marché.
En plus, nous sommes dans une situation de crise latente car le Franc Suisse est de plus en plus fort, ce qui tend et réduit les exportations depuis la Suisse vers l’étranger. Mon rôle est donc de faire du lobbying auprès des pouvoirs publics pour qu’une prise de conscience de la possible crise industrielle soit faite et des décisions soient prises pour soutenir les industries locales.
Comment imaginez-vous leurs concrétisations dans 5 ans ?
Concernant le premier enjeu, celui des stocks, je suis assez optimiste car, concernant Pomoca, notre marché est en croissance, nous innovons, sommes solides et nous allons donc pouvoir augmenter la production facilement et gagner des parts de marché dès que nos clients épuisent leurs stocks.
En revanche, à propos des conditions cadres, je suis moins optimiste. Cela fait maintenant quinze ans que la situation se dégrade, je constate depuis six mois une prise de conscience de la part du milieu politique, mais la Suisse reste un pays défensif, très sûr de lui-même. Or nous sommes dans un monde capitaliste et devons être bien plus compétitifs voir agressifs. J’imagine que la situation va continuer de se dégrader petit à petit mais l’effet est celui d’une cocotte-minute, et quand ça va craquer, cela va être dur à remonter.
Quelle a été la création de valeur de la transformation digitale dans votre entreprise ?
Pomoca est peut-être une marque particulière car nos clients et collaborateurs sont connectés, utilisent des outils digitaux, mais sont des pratiquants d’un sport outdoor. Ils viennent y chercher le calme, la déconnexion, la décompression, le contact avec la nature. Chez Pomoca nous faisons donc l’effort de ne pas tout digitaliser !
Nous nous appuyons sur le digital pour le processus de création et de production de nos produits via un logiciel de pilotage de la production et installons maintenant un système de gestion globale (ERP) de Microsoft beaucoup plus puissant, qui nous permet de gagner en efficacité et flexibilité.
Mais pour le reste nous essayons de faire fonctionner l’intelligence humaine.
Quelles sont les difficultés et questionnements que vous rencontrez dans la mise en place d’initiatives environnementales et sociales ?
Pomoca est une marque leader de l’outdoor, donc par définition, ce sujet nous touche car nos clients et collaborateurs sont sensibles et attentifs à cette problématique. Concrètement, une paire de peaux Pomoca équivaut à plus ou moins 4kg CO2, ce qui représente environ 40 kilomètres de trajet en voiture essence. C’est déjà très faible.
Les quatre difficultés majeures que nous rencontrons sont :
Comment avoir un impact environnemental positif quand nous croulons sous les réglementations ? Par exemple, le scotch qui permet d’emballer les boîtes en carton est en papier. Six mois plus tard, nous découvrons que c’est finalement pire que le plastique à cause de la colle. Nous essayons de bien faire les choses et parfois nous sommes un peu perdus car chaque fournisseur a sa solution. Il nous manque des connaissances académiques scientifiques pour être plus assertifs.
La seconde difficulté est relative à la compliance. Par exemple, la France a mis en place des normes sur l’étiquetage produit, des substances interdites en Californie mais pas dans l’ensemble des États-Unis, etc. Nous essayons donc d’améliorer les choses tout en respectant les réglementations locales et internationales, un équilibre délicat !
La troisième difficulté est l’investissement financier car nous devons trouver des initiatives compatibles avec une certaine rentabilité. Parfois, il y a de chouettes projets mais qui demande un lourd investissement financier. Que faire ?
Enfin la dernière difficulté réside dans l'acceptation par le client de changement de comportements. Ils veulent en effet que Pomoca soit aussi écologique que possible, tout en ayant des produits performants. Dans les enquêtes ils disent être prêts à renoncer à une certaine performance, mais la réalité est tout autre.
Comment gérez-vous la tension et la pénurie de talents ?
Au sein de Pomoca, nous avons les avantages d’être à la fois une marque leader dans son secteur et une belle marque employeur. Quand nous recrutons, nos annonces ont toujours un beau succès. J’aimerai installer un un « talent pipeline » qui nous permettrait de connaître des candidats en amont de nos besoins de recrutement et installer une stratégie à long terme.
Le livre, le film et le lieu qui continuent de vous inspirer ?
The Fearless Organisation (L’entreprise sereine) de Amy Edmondson, une psychologue de Harvard qui a écrit à propos de la sécurité psychologique au travail. C’est le livre le plus important que j’ai pu actionner au quotidien et qui m’a beaucoup inspiré.
Amadeus est un film fabuleux car Mozart est un personnage qui m'a toujours fasciné. Dans ce film, à la qualité artistique incroyable, il apparait comme un génie joyeux et hystérique au même temps.
Mon appartement aux Alpes Vaudoises me nourrit car je vois la montagne, la neige selon la saison, un vrai havre de paix.
Quelle est votre devise ?
Le positif attire le positif. Je trouve qu’il faut être joyeux, positif, être capable de transmettre cet état d’esprit. Il s’agit d’un transfert d'énergie positive, mon entourage en profite.
Comments